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Voir la conférence en vidéo… « Je suis un enfant trouvé. » La phrase est prononcée par un personnage familier à nombre d’entre nous, soit grâce à des lectures enfantines, soit parce que les adaptations pour grand écran et en dessin animé lui ont permis, avec Joli-Cœur, Vitalis et les Barberin, de peupler notre imagination : Rémi, le héros de Sans famille, le roman d’Hector Malot, paru en 1878. Dans les récits fondateurs religieux et politiques, l’enfant trouvé joue un rôle central. Songez à Moïse, à Cyrus ou à Romulus et Remus. Il figure dans la tradition littéraire dès les origines avec la Sémiramis de Diodore de Sicile ou Théagène et Chariclée d’Héliodore. Parmi les enfants trouvés littéraires du XVIIIe siècle, la période dont je m’occupe le plus souvent, il y a Tom Jones, héros éponyme de Fielding. Son histoire a marqué l’Europe grâce à la version française de La Place, best-seller des Lumières. Un frontispice de Gravelot, gravé par Pasquier, ouvre l’édition de 1750. Un homme en robe de chambre et bonnet de nuit et une domestique munie d’un bougeoir entourent un lit. Un bébé qui s’accroche au doigt de l’homme y repose. De tels personnages, à l’origine de la plus romanesque des fictions, ont leur source dans la réalité. Je vais m’appuyer sur des textes littéraires et des recherches dans les archives pour tracer certains parallèles. J’évoquerai, en me concentrant sur le XVIIIe siècle, sans m’interdire des incursions vers d’autres périodes, le lieu de découverte des enfants, les raisons de leur abandon, la manière dont on les identifie, avant d’envisager certaines raisons pour lesquelles l’enfant trouvé constitue une figure paradigmatique de la littérature1. Je partirai de l’enfant dont nous avons connaissance lors de sa découverte. Le nom même d’enfant trouvé, ainsi que son équivalent dans d’autres langues – foundling en anglais, Findling en allemand, trovatello en italien, par exemple –, est un premier marqueur de chance sur la trajectoire de l’enfant, qui n’a pas simplement disparu, sans laisser de trace. Les lieux de la découverte Tom Jones est trouvé douillettement dans un lit. Les enfants sont parfois placés dans une église, sur un autel ou un banc, voire dans un confessionnal. Ils sont au chaud (plus qu’à l’extérieur) et devraient, suppose-t-on, bénéficier de la protection de Dieu comme de ceux qui les découvrent dans un lieu saint. On trouve à l’occasion un enfant dans une auberge, lieu de passage par excellence, ou à la porte d’un commissaire ou d↧