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Voir la conférence en vidéo… Au lendemain de la Première Guerre mondiale fut fondée la Société des nations qui visait à pacifier les relations internationales. Un rôle particulier était dévolu au travail intellectuel en vue de la réalisation de cet objectif : une commission de coopération intellectuelle fut mise en place, ainsi qu’un Institut international de coopération intellectuelle. Paul Valéry fit partie des experts sollicités (Cattani, 2019). Qui mieux que lui pouvait incarner cet idéal ? Lui qui ne cessait de marteler que « La Société des nations suppose une Société des esprits ». Pour créer cette Société des esprits, il fallait pouvoir se connaître. En 1931 fut créé l’Index Translationum de l’Unesco, qui visait à recenser annuellement les traductions dans le monde entier. Le centre de gravité du marché de la traduction était alors l’Europe. Valéry assignait d’ailleurs à l’Europe un rôle tout particulier dans la formation de cette Société des esprits. On comprend d’autant plus son désarroi face au déclenchement de la Seconde Guerre mondiale. Ce n’est pas un hasard s’il consacre ses premiers cours du Collège de France en 1940 aux « réserves intellectuelles de l’Europe », en rapport avec les circonstances, comme il le précise. Ces réserves requièrent selon lui « la présence, l’action de présence de créateurs » (Valéry, 2023, 12 janvier 1940 : 603). Or cet objectif de favoriser les échanges interculturels fut repris après la guerre par l’Unesco, qui était l’héritier de l’Institut international de coopération intellectuelle (Maurel, 2010). Refondé sous l’égide des États-Unis, l’Unesco déplaçait cependant les objectifs de l’Institut de deux façons : en promouvant une conception moins élitiste de la culture ; en internationalisant les échanges par-delà l’Europe. Le programme des « œuvres représentatives » lancé en 1947 visait non seulement à recenser mais aussi à soutenir les traductions d’œuvres littéraires, en particulier à partir des langues non occidentales. Ce projet, dont la gestion fut confiée à un autre écrivain français, Roger Caillois, allait accélérer le remplacement du canon européen gréco-latin des classiques par un canon des littératures vernaculaires modernes, contribuant ainsi à l’unification d’un champ littéraire mondial ou, pour reprendre le titre du livre de Pascale Casanova (1999) d’une « République mondiale des lettres ». L’étude présentée ici fait partie d’une recherche sur le rôle des intermédiaires et médiateurs culturels dans la c↧