**
Voir la conférence en vidéo… La littérature est un dispositif gérant la durée, selon une succession de plans qui se relaient et s’entrechoquent. On se propose ici une analyse du montage du texte de La Princesse de Clèves dans la continuité des travaux de Michel Charles. En premier lieu, on peut voir que sa cohérence (les éléments « nécessaires et indéplaçables »), est apparentée au modèle de la tragédie. Mais on note aussi des effets de liste et de répétition, qui n’ont rien de nécessaire (comme le motif de la volonté de retraite par la princesse, qui revient à dix reprises). Néanmoins, il est possible de rendre utiles toutes les répétitions, soit en complexifiant l’histoire, soit en postulant l’existence de « cohérences régionales », c’est-à-dire d’histoires multiples. Enfin, il faut analyser le rythme du montage : alors que les recommandations du XVIIe siècle favorisent les transitions longues et discrètes, La Princesse de Clèves propose au contraire un rythme fortement scandé (par la chronique royale). On peut dégager de cette analyse trois grands types d’hypothèses organisatrices : le partitionnement, la sérialisation, et l’ordonnancement. Présenter ma recherche actuelle sur la composition textuelle dans un lieu tel que la chaire des littératures comparées au Collège de France, placée sous l’égide de Paul Valéry et de son cours de poétique1, et qui plus est au sein d’un séminaire qui a pris comme emblème2 la couverture du numéro 1 de la revue Poétique (celui de février 1970), m’invite tout naturellement à situer mon intervention par rapport aux grands acteurs des différents renouveaux de la poétique au XXe siècle. Mon héritage est assurément celui des formalistes (années 1910-1920) et des structuralistes (années 1970-1980), mais c’est un héritage infléchi et revisité par une théorisation contemporaine de la rhétorique, dans le sillage des travaux de Michel Charles. Pour synthétiser la situation de cette nouvelle « nouvelle rhétorique », nouvelle par rapport aux rhétoriques normatives de l’antiquité et de l’époque moderne, mais également par rapport à la « nouvelle rhétorique » de l’argumentation promue par Perelman (1977), je mettrai ici en regard deux ouvrages parus à la fin des années 1970, dont les conclusions, pour ce qui m’intéresse, sont diamétralement opposées : Lector in Fabula (Eco, [1979] 1985) et Rhétorique de la lecture (Charles, 1977). D’un côté, Eco pose avec force – dès le sous-titre – le postulat du lecteur modèle, coopératif, tel que p↧