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Regarde Pouchkine tomber : le phénomène du « Pouchkinopad » dans le contexte de la guerre à grande échelle en Ukraine

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Regarde Pouchkine tomber : le phénomène du « Pouchkinopad » dans le contexte de la guerre à grande échelle en Ukraine

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Cet article propose de parcourir un autre continent dix-neuviémiste contesté, celui du canon classique russe, largement constitué d’auteurs du xixe siècle : même si cet espace est moins familier que la littérature française pour beaucoup de lecteurs, ce décentrement du regard permet selon nous de mieux cerner, indépendamment des contextes, par quoi le xixe siècle, siècle par excellence de la nation littéraire, peut faire pour certains, aujourd’hui, problème. De fait, le xixe siècle russe et sa littérature font aujourd’hui figure de lieu mal famé. On les regarde comme un maillon fondamental dans la généalogie de la violence menant au conflit en cours et aux exactions épouvantables qui le ponctuent. C’est de fait une situation qui change complètement la tâche des enseignants et des chercheurs sur le xixe siècle russe, jusque-là considéré comme l’objet central des études littéraires slaves, un objet entouré d’une double aura, celle de la valeur littéraire et celle de la pertinence philosophique ou éthique. À l’inverse, depuis 2022, en Occident comme en Ukraine et parfois aussi en Russie, le xixe siècle s’est d’emblée trouvé sur le banc des accusés : le premier signe que le conflit déclenché le 24 février 2022 allait s’étendre au domaine de la culture a été l’annulation ou le report d’un cycle de conférences sur Dostoïevski dans une université milanaise, quelques jours seulement après l’invasion. Netflix a également annulé en mars 2022 la diffusion de sa mini-série, pourtant achevée, d’après l’Anna Karénine de Tolstoï. Depuis, de nombreux intellectuels ont cherché à incriminer le canon en établissant un continuum impérialiste entre Pouchkine, Gogol ou Lermontov d’un côté et la politique russe actuelle de l’autre, comme la critique Tetyana Ogarkova ou le philosophe Volodymyr Yermolenko (Yermolenko, 2022, Ogarkova et Ermolenko, 2023, 2024). D’autresont récusé le potentiel éthique dont on fait ordinairement crédit à la littérature russe en relisant à rebours tout un corpus de fictions traditionnellement considérées comme humanistes : pour la philosophe et romancière ukrainienne Oksana Zaboujko (Zabuzhko, 2022), au contraire, la nouvelle d’Ivan Tourguéniev « Moumou » (1854), où un paysan handicapé est forcé par ses maîtres à noyer le seul être qu’il aime, un petit chien, ne résonne plus comme un plaidoyer incitant à prendre en compte le destin tragique des serfs privés de liberté, la nouvelle serait l’illustration d’une soumission aveugle qui réalise sans bronche

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